Le changement de lieu de travail : une modification du contrat de travail ?
Le changement de lieu de travail : une modification du contrat de travail ?
La mention du lieu de travail dans le contrat de travail a une portée informative, sauf à ce que les parties en aient décidé autrement. En d’autres termes, le changement de lieu de travail ne constitue pas par nature une modification du contrat de travail, soumise à l’accord du salarié.
Toutefois, des stipulations particulières peuvent encadrer les évolutions potentielles du lieu de travail :
– Soit avec une clause figeant le lieu de travail. Celui-ci devient alors un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être modifié qu’avec l’accord exprès du salarié (Soc. 3 juin 2003, n°01-40.376) ;
– Soit, à l’inverse, avec une clause de mobilité qui, lorsque les conditions de validité sont remplies (en fixant notamment sa zone géographique d’application), permet d’imposer au salarié, sauf exception, un changement de lieu de travail.
En l’absence de toute clause spécifique dans le contrat de travail, l’employeur peut-il librement modifier le lieu de travail ?
Tout dépend de l’importance du changement géographique.
Ainsi, deux hypothèses sont à distinguer :
– Soit la mutation géographique intervient dans un même secteur géographique : la modification du lieu de travail relève alors d’un simple changement des conditions de travail que le salarié ne peut pas en principe refuser ;
– Soit la mutation géographique intervient dans un secteur géographique différent : dans ce cas, la mutation constitue une modification du lieu de travail nécessitant l’accord du salarié.
Comment déterminer la notion de secteur géographique ?
L’enjeu est donc de déterminer si le nouveau lieu de travail se situe ou non dans le même secteur géographique que le lieu de travail précédent.
Or, il n’existe pas de définition légale du secteur géographique. Plusieurs critères ont néanmoins été dégagés par la jurisprudence pour permettre d’apprécier les contours de cette notion :
– La distance entre l’ancien et le nouveau lieu de travail (Soc. 27 mai 1998, n°96-40.929) ;
– La durée du trajet entre l’ancien et le nouveau lieu de travail (Soc. Juillet 2016, n°15-15.342) ;
– L’état de développement des transports en commun (Soc. 16 novembre 2010, n°09-42.337) ;
– L’existence d’un bassin d’emploi homogène (Soc. 20 février 2019, n°17-24.094).
C’est donc la combinaison de l’ensemble de ces critères qui permet de déterminer si la modification du lieu de travail s’opère dans un secteur géographique différent.
Ces critères sont appréciés de manière objective (Soc. 4 mai 1999, n°97-40.576).
A titre d’illustration, l’affectation d’un salarié dans un nouveau lieu de travail situé à 80 kilomètres du précédent et dans un département différent qui n’appartient pas au même bassin d’emploi constitue une modification du contrat de travail (Soc. 20 février 2019, n° 17-24.094).
Les contraintes générées pour le salarié sont-elles prises en compte dans l’appréciation du secteur géographique ?
La situation personnelle du salarié n’est normalement pas prise en compte pour déterminer si le secteur géographique est le même ou non.
Par exception, dans certaines circonstances, les contraintes personnelles engendrées par le changement du lieu de travail peuvent être prises en considération.
Ainsi, en l’absence de transport en commun accessibles facilement ou de covoiturage possible entre deux lieux de travail ne se situant pas dans le même bassin d’emploi, la fatigue et les frais occasionnés par l’usage d’un véhicule personnel pour rejoindre le nouveau lieu de travail peuvent être pris en compte (Soc. 24 janvier 2024, n°22-19.752).
En définitive, chaque situation doit être appréciée au cas par cas pour évaluer l’identité ou non de secteur géographique. Cela est d’autant plus important qu’en fonction de la réponse, il sera possible ou non de tirer les conséquences d’un refus du salarié sur le terrain disciplinaire.
Clara GROUSSET, juriste alternante
Alexandre MARCON, avocat