Inaptitude et dispense d’obligation de reclassement : la consultation du CSE écartée ?
Inaptitude et dispense d’obligation de reclassement : la consultation du CSE écartée ?
De la clarté ! Telle pourrait être la revendication formulée face à l’incertitude persistante sur la nécessité ou non de consulter le Comité Social et Economique (CSE) en cas d’inaptitude d’un salarié, associée à une dispense de l’obligation de recherche de reclassement.
Pour mémoire, depuis le 1er janvier 2017, le médecin du travail peut dispenser l’employeur de recherche de reclassement en mentionnant dans l’avis d’inaptitude que :
- « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ;
- « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » (articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du Code du travail).
Cette exonération pourrait logiquement conduire à écarter la consultation du CSE, qui s’impose habituellement dans le cadre de la procédure de reclassement.
En effet, quel peut être l’objet et la pertinence de la consultation du CSE alors même que l’employeur n’est tenu à aucune démarche de reclassement ?
Pourtant, le législateur n’a pas cru bon devoir jouer la carte de la clarté, en ne mentionnant aucunement les conséquences de la dispense de l’obligation de reclassement sur les autres obligations de l’employeur prévues en matière de reclassement.
La jurisprudence permet-elle d’éclaircir l’horizon des obligations ?
A lire la jurisprudence encore récente de la Cour de cassation on pourrait en douter, puisqu’elle confirme la nécessité de consulter le CSE, même en l’absence de poste disponible pouvant être proposé (Cassation sociale, 30 septembre 2020, n° 19-16.488).
A l’inverse, des décisions de cours d’appel actent que la consultation du CSE ne s’impose pas en cas de dispense de recherche de reclassement.
Dès 2018, la Cour d’appel de Riom a ainsi pris position en ce sens, jugeant que la consultation du CSE n’était pas fondée (CA Riom, 3 avril 2018, n°16/01261).
L’Administration du travail a même fait sienne cette décision en précisant, dans son guide relatif aux décisions administratives en matière de rupture ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés publié en septembre 2019, qu’en cas de dispense expresse de reclassement « l’employeur est dispensé de l’obligation de consulter le CSE sur les possibilités de reclassement », allant jusqu’à dispenser l’employeur de la notification au salarié des motifs s’opposant à son reclassement.
Jusqu’alors assez isolée, cette position vient d’être récemment confirmée par la Cour d’appel de Paris : « l’avis du CSE est inutile dès lors que le reclassement est impossible et que ce comité n’a pas de compétence pour remettre en cause l’appréciation du médecin du travail, son éventuel avis ne pouvant se borner qu’à ce constat » (CA Paris, 2 décembre 2020, n° 14/11428).
Cette solution parait cohérente à double titre.
D’une part, l’avis du CSE porte sur les éventuelles possibilités de reclassement, par définition inexistantes en cas de dispense d’obligation en la matière.
D’autre part, le CSE n’a pas la possibilité de remettre en cause l’impossibilité de reclassement dès lors qu’elle repose exclusivement sur l’avis du médecin du travail.
Toutefois, en l’absence de confirmation de la Cour de cassation à ce jour, l’incertitude demeure. L’enjeu n’est pourtant pas anodin puisque le défaut de consultation du CSE peut rendre le licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse.
L’obscure clarté doit donc encore inviter à la prudence.
Alexandre MARCON