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Pages de Jurisprudence sociale – Sanctions des activistes grévistes : Jusqu’où va l’immunité absolue en période de grève ?

Les Pages de Jurisprudence Sociale – Mai 2016

SANCTIONS DES ACTIVISTES GRÉVISTES : Jusqu’où va l’immunité absolue en période de grève ?

 

Cour d’Appel de GRENOBLE – 5 novembre 2015

 

Exposé des faits

Le droit de grève est un droit constitutionnellement inscrit, dont l’article L.2511-1 du Code du Travail précise l’étendue de la protection :  » l’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié.

Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l’article L.1132-2, notamment en matière de rémunérations et d’avantages sociaux.

Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit. »

Le législateur a donc entendu protéger l’activité des grévistes, sous réserve de ce que ceux-ci ne se rendent pas responsables de faute lourde.

La jurisprudence est venue affiner les contours de ce droit spécifique, en imposant des limites qui sont aujourd’hui bien établies : une cessation collective du travail, portant des revendications professionnelles, parfois encadrées par des délais de préavis, des possibilités de réquisitions, voire, dans le secteur public notamment, une réglementation spécifique.

Compte tenu de l’impact important que la grève a sur l’activité de l’entreprise, mais aussi des épidermismes incontestables qui entourent les mouvements de grève, les employeurs sont très attentifs aux débordements qui pourraient être constitutifs d’un abus du droit de grève.

C’est ce que la Cour d’Appel de GRENOBLE avait à analyser sous l’angle en l’espèce de la discrimination, (article L.1132-1 du Code du Travail), concernant deux mises à pied successives dont avait l’objet un salarié d’une fameuse entreprise de distribution de meubles, syndicaliste affiché, ensuite de deux mouvements de grève distincts.

 

OBSERVATIONS

La Cour de Grenoble, dans une analyse précise des faits relevés par deux Huissiers de Justice distincts, sur deux événements s’étant déroulés à plus d’un mois d’intervalle, libelle une décision qui semble conforme aux dispositions légales, doctrinales, et jurisprudentielles : la mise à pied qui était fondée sur le fait que l’Huissier avait « interpelé  Monsieur X (en qualité de représentant des grévistes) pour connaître ses intentions » et que ce dernier aurait répondu « qu’aucun camion de livraison et d’expédition n’entrerait ou ne sortirait du site jusqu’au soir », ne permettait pas de caractériser l’attitude personnelle de l’intéressé, mais témoignait seulement de ce qu’il avait « une parfaite connaissance de la situation » et n’impliquait dès lors « pas nécessairement qu’il ait été l’auteur du fait fautif, ni qu’il y ait pris part ».

En clair, la première mise à pied ne pouvait pas être validée par les Juges, puisque l’Huissier ne témoignait que du fait que Monsieur X savait que le travail des non grévistes serait empêché, mais ne montrait pas en quoi il y prenait une part personnelle.

Alors que pour la seconde mise à pied, un autre Huissier sollicité par l’entreprise avait noté que Monsieur X lui avait déclaré « c’est moi qui bloque » et qu’il avait noté que Monsieur X lui-même avait garé « un véhicule Peugeot de couleur noire devant le portail et accès Pompiers, afin d’empêcher un camion de l’entreprise TRANSPORTS GUINET de sortir du site ». Ce qui permettrait à la Cour de constater alors qu’il n’était plus contestable que Monsieur X avait lui-même participé à des faits fautifs, qui justifiaient « amplement la mise à pied de 5 jours prononcée à son encontre ».

Ainsi, il apparait clairement que pour envisager une sanction, qui, ici, restait « raisonnable » au vu de l’entrave au droit du travail qu’elle représentait, l’employeur doit avoir la certitude, mais également les moyens de preuve en cas de procès, qu’il sanctionne bien des agissements propres, identifiables, personnalisables et donc totalement individualisés, et non une attitude globale ou une participation à un mouvement collectif non individuellement attribuable.

C’est là la confirmation de décisions anciennes de la Cour de Cassation qui imposent (Cass Soc. 26/06/2013 n°11-27.413) de caractériser la faute lourde précisément identifiable, dans le cadre de faits totalement non contestables, attribuables et précis.

 

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