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Pages de Jurisprudence sociale – PSE : secteur d’activité du groupe et engagements de l’antenne emploi

Les Pages de Jurisprudence Sociale – Juillet 2016

PSE : SECTEUR D’ACTIVITE DU GROUPE ET ENGAGEMENTS DE L’ANTENNE EMPLOI

Conseil de prud’hommes de Lyon – 29 JANVIER 2015

 

Exposé des faits

La filiale française d’un groupe mondial spécialisé dans l’automation engage une mesure de réorganisation en proposant aux salariés d’un de ses établissements de passer d’équipe de nuit en poste de jour.

Plus de 10 salariés refusant la modification proposée de leur contrat de travail, la société se voit dans l’obligation d’initier un plan de sauvegarde de l’emploi. Compte tenu de l’impossibilité de reclasser la salariée au sein du groupe, ce plan conduira au licenciement de la salariée pour nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’établissement

La salariée saisira le conseil de prud’hommes de deux types de demandes. D’une part, elle agit en contestation du motif de licenciement en arguant du fait que la lettre de licenciement ne fait aucune référence à la situation du Groupe dans son ensemble (alors même que toutes les sociétés interviennent sur le même secteur selon elle) ; puis en mettant en exergue sa forte profitabilité.

La salariée formule également une demande indemnitaire pour inexécution du plan de sauvegarde de l’emploi compte tenu du non-respect de ses engagements par le cabinet de reclassement.

La société pour sa part a argumenté sur le fait que les particularités de la production de cet établissement en faisait un secteur d’activité à part entière au sein du groupe. Elle établit la baisse de chiffre d’affaires de cet établissement et le fait que ses résultants soient moins compétitifs que d’autres entités étrangères de la même Division (Allemagne et Suède).

Le conseil de prud’hommes de Lyon n’ayant pu trancher le litige, il est revenu au juge départiteur le soin de le faire. Il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse faute de démonstration probante d’une mutation technologique ou de la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe. De plus, il a jugé que le défaut de preuve par la cellule de reclassement d’un nombre d’O.V.E. (Offres Valables d’Emploi) suffisant proposé au salarié engageait la responsabilité de l’employeur vis-à-vis du salarié pour défaut d’exécution loyale du Plan de Sauve garde de l’Emploi.

 

OBSERVATIONS

1°. Concernant le motif économique de licenciement, le raisonnement du juge départiteur permet de revenir sur  deux points intéressants.

Tout d’abord, il fait application du pouvoir de requalification du juge. Rappelons en effet qu’il appartient au juge de redonner leur exacte qualification quels que soient celles invoquées par l’employeur. En l’espèce, l’employeur n’avait utilisé que la qualification de « sauvegarde de la compétitivité » mais le juge a déduit des termes de la lettre de licenciement qu’était également en cause le motif de « mutation technologique », pour mieux l’écarter.

Ensuite, le juge rappelle clairement la nécessité de raisonner au niveau du secteur d’activité pour les groupes de sociétés. Le site industriel en cause appartenait à une Business Unit « Produits de commande » qui relevait elle-même d’une Division « Produits Basse Tension ».

Or, tant dans la lettre de licenciement que dans les pièces produites il n’était fait état que d’éléments chiffrés pertinents au niveau du seul établissement. Si la Cour de Cassation n’exige plus de l’employeur qu’il mentionne dans la lettre de licenciement le niveau d’appréciation du motif économique, celui-ci doit pouvoir être démontré en cas de contentieux (Cass. Soc. 3 Mai 2016 n°15-11046).

Au cas d’espèce, le juge constate que l’employeur n’a fourni que des éléments concernant le site industriel en cause. De plus, aucun élément probant permettant de retenir le site comme secteur d’activité à part entière n’a été produit et le juge retient un secteur d’activité plus large, la division Produits Basse Tension, comme secteur pertinent.

Le juge relève l’absence de toute donnée démontrant une position compétitive de la Division se dégradant et estime donc le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le juge écarte les éléments de benchmark inter-sites du groupe pour démontrer une perte de compétitivité, mais fait au contraire référence à la situation de la concurrence. Seuls des éléments de comparaison avec la concurrence permettent de garantir l’existence d’une perte de compétitivité.

Le juge ne peut être qu’approuvé en cela, cette approche étant la seul fiabilisant le motif évoqué. Néanmoins, il est important que dans certaines secteurs les règles de concurrence font qu’il  est extrêmement difficile de rapporter cette preuve, compte tenu à la foi des règles de droit de la concurrence et de l’existence de tendances et de concurrences très différentes selon les aires géographiques retenues.

2°.Le second volet intéressant du jugement de départage concerne le respect des dispositions du plan de sauvegarde de l’emploi par l’employeur et plus particulièrement la question des engagements pris quant aux résultats de l’Antenne Emploi.

Rappelons que le Plan de Sauvegarde de l’Emploi a la nature d’engagement unilatéral qui lie donc avec force obligatoire l’employeur. Dans cette affaire c’est un point particulier du P.S.E. qui était en cause, l’engagement pris de proposer à tout adhérent actif au moins deux offres d’emploi valables.

Le juge départiteur estime qu’au travers du P.S.E. l’employeur a fixé les engagements du prestataire et s’est donc porté fort de leur bonne exécution. Constatant l’impossibilité dans laquelle se trouve l’employeur de démontrer le respect des engagements pris, à savoir la proposition effective par l’Antenne Emploi de deux offres d’emploi à chaque adhérent actif, il entre donc en voie de condamnation et alloue des dommages et intérêts aux salariés licenciés.

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