L’employeur a-t-il accès aux emails provenant de la messagerie personnelle du salarié ?
Le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail au respect de l’intimité de sa vie privée.
Dans son arrêt du 26 Janvier 2016 (n°14-15.360) la chambre sociale de la Cour de cassation nous livre une nouvelle illustration de ce principe.
En l’espèce, dans le cadre d’un litige prud’homal, l’employeur avait produit aux débats un échange d’emails reçus par la salariée sur sa messagerie personnelle, « interceptés » sur son ordinateur professionnel.
De manière habile, l’employeur faisait valoir que dans la mesure où ces emails étaient présents sur le disque dur de l’ordinateur professionnel de la salariée, sans être identifiés comme « personnels », ils étaient présumés avoir un caractère professionnel.
Ce dernier invoquait également une jurisprudence récente dans laquelle la Haute juridiction avait considéré que « des courriers et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils émanent initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié » (Cass. soc., 19 juin 2013, n°12-12.138).
Toutefois, les faits ayant donné lieu à cette dernière jurisprudence étaient légèrement différents puisque le salarié avait intégré les emails provenant de sa messagerie personnelle sur son ordinateur professionnel, sous la forme de fichiers. Le salarié avait ainsi volontairement transféré ses emails personnels sur son ordinateur professionnel sans pour autant les identifier comme « personnels ».
Dans notre affaire, l’arrêt ne fournit pas de précision sur la façon dont l’employeur s’est procuré les emails de la salariée, mais il semble que cette dernière ait simplement consulté ses emails personnels via son poste de travail, sans les transférer ni les enregistrer sur son disque dur professionnel.
La Cour de cassation considère donc, de manière logique, que les emails provenant de la messagerie personnelle de la salariée, « distincte de la messagerie professionnelle dont celle-ci disposait pour les besoins de son activité » « devaient être écartés des débats en ce que leur production en justice portait atteinte au secret des correspondances ».
Ainsi, dès lors qu’il s’agit de la messagerie personnelle du salarié, l’employeur n’est pas autorisé à lire ou utiliser les emails qu’elle contient, quand bien même le salarié aurait consulté ses emails sur son poste de travail et ainsi laissé « involontairement » une trace de cette consultation sur le disque dur de son ordinateur professionnel.
Néanmoins, dès lors que le salarié enregistre ses emails ou des pièces jointes provenant de sa messagerie personnelle sur son poste de travail, ces derniers ne sont plus couverts par le secret des correspondances du seul fait qu’ils proviennent initialement d’une messagerie personnelle.
Il s’agit donc d’une solution pragmatique permettant de ne pas entraver le bon fonctionnement des entreprises, tout en respectant la vie privée des salariés.