Introduction de l’intelligence artificielle dans l’entreprise : l’expertise CHSCT n’est pas automatique
A l’ère du déploiement de l’intelligence artificielle, son utilisation dans les entreprises soulève de nombreuses interrogations et parfois des inquiétudes quant à l’impact sur les conditions de travail des salariés.
Aussi, lorsque le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) (ou le Comité Social et Economique (CSE) depuis le 1er janvier 2018) est saisi d’un projet d’introduction d’une telle technologie, le risque d’une demande d’expertise est réel.
Les enjeux financiers pour l’employeur ne sont pas anodins puisqu’il est amené à en supporter le coût (en totalité pour le CHSCT et désormais à hauteur de 80% dans le cadre du CSE).
Pour autant, encore faut-il que le projet en question emporte des modifications importantes dans les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés, justifiant ainsi le recours à l’expertise.
Or, l’intelligence artificielle n’implique pas nécessairement un tel bouleversement.
Tel est l’enseignement d’un arrêt récent de la Cour de cassation rendu dans le cadre de la mise en place d’un nouveau programme informatique intégrant de l’intelligence artificielle (Cassation sociale, 12 avril 2018, n° 16-27.866).
Pour écarter le bienfondé d’une expertise, la Cour de cassation a procédé à une analyse très concrète des conséquences pratiques pour les salariés de l’introduction de cette technologie.
Précisément, l’application informatique avait pour finalité d’identifier automatiquement les demandes clientes les plus fréquentes, de les traiter par ordre de priorité en fonction du degré d’urgence et même de pouvoir répondre directement aux clients.
Le CHSCT considérait alors que ce nouveau logiciel était susceptible de conduire à un redécoupage des missions des salariés conduisant à une modification des conditions de travail.
La Cour de cassation ne partage pas cette analyse estimant que le programme était de nature à apporter une aide aux salariés dans le traitement des courriels reçus et que cela n’entraînait que des conséquences mineures dans les conditions de travail des salariés.
Pour autant, il convient de ne pas tirer de conclusions générales.
Selon la nature du projet et l’importance des conséquences engendrées par l’introduction de l’intelligence artificielle, le principe d’une expertise pourra au cas par cas être reconnu.
La solution posée par la Cour de cassation a toutefois le mérite d’apporter des indices pour apprécier l’importance du projet.
Notamment, le fait que les conditions de travail puissent être facilitées avec l’arrivée de l’intelligence artificielle semble avoir été déterminant.
Alexandre MARCON
Avocat