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Dénonciation d’un harcèlement moral : de la nécessité d’enquêter

L’employeur doit veiller à la santé et à la sécurité de ses salariés. La prévention des risques psycho-sociaux dans l’entreprise est une préoccupation à laquelle aucun employeur ne peut désormais échapper.

La Cour de cassation a récemment donné une nouvelle illustration de cette exigence, par un arrêt du 27 novembre 2019 (n° 18-10.551).

Alors qu’elle se trouvait en arrêt de travail, une salariée avait, par deux fois, écrit à son employeur pour se plaindre du harcèlement moral exercé à son encontre par sa supérieure hiérarchique et, ainsi, alerter sur la dégradation de sa santé en lien avec ses conditions de travail. Elle avait ensuite été licenciée pour insuffisance professionnelle, sans avoir repris le travail.

Devant le Conseil de prud’hommes, la salariée demandait l’annulation de son licenciement, ainsi que la réparation du préjudice résultant du harcèlement moral et du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

La Cour de cassation approuve l’analyse de la Cour d’appel selon laquelle la salariée ne rapportait pas la preuve d’éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral. Aucune indemnisation ne pouvait être accordée à ce titre.

Ce qui n’empêche pas la Cour de cassation de retenir que le licenciement était bien nul, pour avoir été notifié ensuite de la dénonciation de ce harcèlement moral.

Pour mémoire, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir témoigné ou relaté des faits de harcèlement moral (art. L. 1152-2 C. trav.).

Cette protection spécifique n’est écartée qu’en cas de mauvaise foi, notamment si le salarié a « connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonce » (Cass. soc. 7 févr..2012 n°10-18.035), ce qui n’était pas débattu en l’espèce.

Mais ce n’est pas tout.

Pour la Cour de cassation, « l’obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral ».

Par conséquent, il incombait à l’employeur de diligenter une enquête afin de faire la lumière sur les faits dénoncés, quand bien même aucun harcèlement moral n’avait pu être démontré in fine. Elle accueille l’argumentation de la salariée, qui faisait valoir que par son inertie, l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité.

Cette décision semble d’autant plus sévère que la dénonciation était survenue au cours d’une période de suspension du contrat de travail, ce qui faisait obstacle à toute enquête contradictoire.

Ainsi, l’employeur qui se trouve confronté à une dénonciation d’un harcèlement moral doit veiller à ne pas l’éluder – même si elle lui apparaît non sérieuse a priori – sans avoir préalablement enquêté (idéalement en coordination avec le CSE). A défaut, son abstention pourrait être considérée comme fautive.

                                          Aurore TALBOT

                                          Avocat

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