Inconstitutionnalité de la privation de l’indemnité compensatrice de congés payés en cas de faute lourde
Saisi dans le cadre d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), le Conseil Constitutionnel vient, dans une décision du 2 mars 2016 (Cons. const. QPC, 2 mars 2016, n°2015-523), de censurer les dispositions de l’article L.3141-26 alinéa 2 du Code du travail, selon lesquelles le bénéfice du versement d’une indemnité compensatrice de congés payés est exclue lorsque la rupture du contrat de travail est due à une faute lourde du salarié.
Le Conseil Constitutionnel relève en effet d’office dans sa décision une atteinte au principe d’égalité devant la loi, puisque l’article L.3141-28 du Code du travail exclut l’application de ces dispositions dans l’hypothèse où l’employeur est tenu d’adhérer à une caisse de congés payés (BTP, transports, ports, spectacles).
Pour le Conseil Constitutionnel, « la différence de traitement entre les salariés licenciés pour faute lourde selon qu’ils travaillent ou non pour un employeur affilié à une caisse de congés est sans rapport tant avec l’objet de la législation relative aux caisses de congés qu’avec l’objet de la législation relative à la privation de l’indemnité compensatrice de congé payé ».
Cette déclaration d’inconstitutionnalité prend effet immédiatement, à compter de la date de publication de la décision du Conseil Constitutionnel au Journal officiel. Elle pourra être invoquée dans toutes les instances déjà introduites et non encore jugées définitivement.
En pratique, la faute lourde, caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, et ainsi la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif (Cass. soc. 22 octobre 2015, n°14-11.291), conservera donc pour seul intérêt de ménager à l’employeur la possibilité d’engager la responsabilité pécuniaire du salarié aux fins d’obtenir réparation du préjudice subi (Cass. soc. 25 octobre 2005, n°03-46.624).
Par le biais de cette décision, le Conseil Constitutionnel censure ainsi une disposition du droit français manifestement contraire au droit de l’Union Européenne. Dans son rapport annuel pour 2013, la Cour de Cassation avait déjà appelé le législateur à modifier l’article L.3141-26 du Code du travail, en raison de son incompatibilité avec la Directive « temps de travail » du 4 novembre 2003, qui garantit à tous les travailleurs un congé annuel minimal de 4 semaines et ne prévoit pas d’exception de ce type. Hostile depuis plusieurs années à l’égard de cette règle de privation de l’indemnité compensatrice de congés payés en cas de faute lourde, la Cour de Cassation s’était déjà attachée à circonscrire la portée de cette règle aux seuls congés de la période en cours au jour du licenciement, à l’exclusion de ceux afférents à la période de référence antérieure (Cass. soc. 9 juillet 1991, n°89-44.242). Désormais, toute privation de l’indemnité compensatrice de congés payés est exclue.