Dénigrer son employeur sans intention de nuire ne constitue pas une faute lourde
Selon une jurisprudence constante, la faute lourde est « une faute d’une exceptionnelle gravité révélant l’intention de nuire à l’employeur ».
Toute la difficulté est de caractériser l’intention de nuire.
Dans les faits soumis à l’analyse de la Cour de Cassation (8/02/2017, n°15-21064), un salarié occupant le poste de directeur d’agence, a été licencié pour faute lourde pour avoir dénigré la politique tarifaire de l’entreprise.
La Cour d’Appel valide le licenciement en déduisant de la qualité d’expert comptable et du niveau élevé de responsabilité du salarié, la conscience qu’il avait du caractère préjudiciable de ses actes et donc, son intention de nuire.
La Cour de Cassation vient rappeler que la volonté de nuire ne peut résulter de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise, ce quand bien même le salarié a conscience de porter préjudice à son employeur.
Autre enseignement résultant de cet arrêt : l’intention de nuire ne peut être déduite du profil du salarié à l’origine des faits fautifs, de sa qualification ou de son niveau de responsabilité.
Pour comparaison et à titre d’illustration, une faute lourde a pu être retenue s’agissant d’un salarié utilisant à des fins personnelles, à des multiples reprises et de manière délibérée, la carte bancaire de la société, et ce, pour des montants importants (Cass. Soc. 27/09/2011, n°10-16.721), pour une salariée d’avoir envoyé une lettre anonyme diffamatoire au seul client de l’entreprise jetant le discrédit sur cette dernière. (Cass.Soc. 21/04/2010 n° 09-40.848), ou encore pour un salarié d’avoir détourné la clientèle de son employeur au profit d’une société concurrente.(Cass.soc. 27/02/2013 n°11-28481)
Dans ces conditions, la décision de licencier pour faute lourde doit être mûrement réfléchie compte tenu de l’exigence de la Cour de Cassation quant à la caractérisation de l’intention de nuire. Ce d’autant plus, que l’intérêt d’un licenciement pour faute lourde demeure limité en raison des coûts identiques à ceux d’un licenciement pour faute grave.
Le critère déterminant est donc celui de la recherche éventuelle de la responsabilité financière du salarié, possible seulement en cas de faute lourde. (Cass. Soc. 25/01/2017 n°14-26.071, n° 15-21.352 et 26/01/2017 n° 15-27.365)
Katia FONDRAS
Avocate