Délais de consultation du CE: des délais stricts s’imposant également au juge !
Dans deux arrêts en date du 21 septembre 2016, la Cour de Cassation se prononce pour la première fois sur l’incidence d’une saisine du juge sur les délais légaux de consultation du Comité d’entreprise et les pouvoirs du juge en la matière.
Dans une première espèce (n°15-13.363), un Comité Central d’entreprise, consulté sur un projet de création d’une entité managériale commune à deux filiales, a saisi le président du TGI en la forme des référés aux fins d’obtenir la suspension de la mise en œuvre du projet, et, en parallèle, celle de la consultation du comité jusqu’à ce que les CHSCT aient été eux-mêmes consultés, ce à quoi l’employeur s’opposait.
Relevant le caractère obligatoire de la consultation du CHSCT, compte tenu de la nature du projet, le TGI fait alors droit à ces demandes. Cette décision est confirmée par la Cour d’appel, qui relève que les premiers juges ont bien été saisis dans le délai de consultation (alors de 3 mois du fait de la compétence du CHSCT, au lieu d’un mois), et ce peu important que l’ordonnance du TGI ait été rendue après expiration de ce délai.
Cette analyse est censurée par la Cour de Cassation, qui retient, au contraire, que le premier juge ne pouvait plus statuer sur les demandes de suspension dès lors que le délai de consultation était expiré à la date à laquelle il s’était prononcé, de sorte que le CCE était réputé, à cette date, avoir rendu un avis négatif. Cette décision est rendue au visa de l’article L 2323-4 du Code du travail, lequel ouvre la possibilité de saisir le juge au cours de la procédure de consultation en cas d’information insuffisante, tout en précisant que « cette saisine n’a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis ». Cette décision, si elle peut paraître faire peser sur le comité les délais de la justice, est une stricte application de ces dispositions. La Haute juridiction rejoint ainsi la position qu’avait déjà adoptée certaines juridictions du fond (TGI Nanterre, 10 février 2015, n°15/00195).
Dans le second arrêt (n°15-19.003), la Cour de Cassation vient apporter deux précisions utiles sur :
- la prolongation du délai de consultation prévue par l’article L 2323-4, en précisant que si, en cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation de l’avis, le juge peut décider de cette prolongation, aucune disposition légale ne l’autorise pour autant à accorder un nouveau délai après l’expiration du délai initial ;
- le point de départ du délai de consultation, en retenant que ce délai commence à courir dès lors que le comité dispose d’informations précises et écrites, et ce peu important qu’elle ne soient pas exhaustives dès la première réunion ; tel est le cas d’un document de présentation globale du projet, de ses différentes phases et de ses finalités, permettant au comité d’apprécier l’importance de l’opération envisagée, et ainsi, le cas échéant, de saisir le juge s’il estime l’information insuffisante.