Vidéosurveillance et droit au respect de la vie privée des salariés sur le lieu de travail
La surveillance sur le lieu de travail est un droit pour l’employeur qui doit se concilier avec le respect des libertés individuelles des salariés.
Dans son arrêt en date du 9 janvier 2018 LOPEZ RIBALDA et a. C/Espagne, la CEDH vient rappeler, sans surprise, que des enregistrements vidéo effectués, à l’insu des salariés, sur leur lieu de travail, constitue une ingérence considérable dans leur vie privée.
Cet arrêt s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence européenne qui avait déjà eu l’occasion de consacrer le droit au respect de la vie privée des salariés sur leur lieu de travail, leur offrant ainsi la protection de l’article 8 de la CEDH (relatif au respect de la vie privée et familiale, du domicile et des correspondances).
La question posée en l’espèce à la CEDH était de savoir si un « juste équilibre » avait été ménagé entre les intérêts de l’employeur qui avait mis en place un système de vidéosurveillance au sein de l’entreprise, pour des raisons de sécurité, et les droits des salariés sur leur lieu de travail.
La CEDH a répondu par la négative à l’occasion des faits suivants :
Afin d’éclaircir des cas de vols, le Directeur d’un supermarché avait mis en place un dispositif de vidéosurveillance installant des caméras apparentes mais aussi des caméras « cachées », étant précisé qu’il avait informé le personnel du magasin, seulement de l’existence des caméras visibles.
Le dispositif de vidéosurveillance avait été actif durant plusieurs semaines, et tout au long de la journée de travail des salariés.
Cinq caissières du supermarché ont été licenciées sur la base des enregistrements ainsi obtenus.
Compte tenu de l’absence d’information préalable des salariés sur l’installation de caméras dissimulées, et de l’ampleur de la mesure ainsi mis en place, la CEDH a estimé que la vidéosurveillance des salariés sur leur lieu de travail, dans de telles conditions, constituait une atteinte au droit au respect de leur vie privée.
L’exigence de proportionnalité entre la mesure mise en place par l’employeur et les droits des salariés n’a pas, en l’espèce, été respectée.
Il en aurait été autrement si les salariés avaient été préalablement informés de l’existence des caméras dissimulées (quand bien même cela aurait pu priver d’intérêt le dispositif …), et si la surveillance avait été moins intrusive.
Une précision mérite toutefois d’être apportée, la validité des licenciements prononcés et confirmés par les juridictions nationales, n’a pas été remise en cause dans la mesure où ils n’ont pas été exclusivement fondés sur les enregistrements ainsi obtenus.
Cet arrêt est donc l’occasion de rappeler que l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant leur temps de travail, mais tout enregistrement, d’images ou de paroles, obtenu à l’insu des salariés constitue un mode de preuve illicite.
Dès lors, tout licenciement intervenu sur la seule base d’une preuve obtenue déloyalement sera jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse.
Katia FONDRAS
Avocat